- Interview avec le Journal de l'Académie Américaine d'Ophtalmologie
- Par Sara Idmane, MD
Membre fondatrice des Young Ophthalmologists of Morocco
Le Maroc est une destination qui attire des patients de pays africains voisins. À Casablanca, je travaille dans une clinique privée située en plein centre-ville : la Clinique d’Ophtalmologie Nour. « Nour », en arabe, signifie « lumière », une belle métaphore de notre métier.
📸 Découvrez les photos de la vie de Dr. Sara Idmane au Maroc.
Notre clinique est bien équipée avec une large gamme d’outils de diagnostic, incluant champ visuel, échographie oculaire (A, B et UBM), IOL Master 700, microscopie spéculaire, topographie, OCT (segments antérieur et postérieur, OCT angiographie), angiographie à champ large, divers lasers et une plateforme chirurgicale complète avec des machines de phacoémulsification et du matériel pour la chirurgie vitréo-rétinienne. Seul manque l’équipement dédié à la chirurgie réfractive.
Je suis ophtalmologue, spécialisée en cornée, cataracte, chirurgie réfractive et rétine médicale.
Voici une journée dans ma vie :
🕕 6 h
Le réveil sonne. Nos horloges biologiques donnent à notre corps un regain d’énergie pour démarrer la journée. Je prends mon café avec mon mari, Khamaiily Mehdi, professeur assistant et lui aussi ophtalmologue. Sachant que la journée sera longue et que nous ne nous retrouverons que le soir, chaque moment partagé est précieux.
🚗 6 h 30
Je prends la route pour le travail depuis les environs de Dar Bouazza, une petite communauté côtière située à 30 km de Casablanca. Mon trajet dure près d’une heure, plus long que pour d’autres, mais ma maison, proche de l’Atlantique, offre une tranquillité précieuse.
☕ 7 h 30
Je m’installe dans un Dunkin’ Donuts près de mon lieu de travail pour prendre mon petit-déjeuner, consulter mes e-mails, soumettre des travaux pour des conférences à venir et établir ma liste de tâches.
🏥 8 h 30
J’arrive à la clinique, me rends dans mon cabinet et examine le planning de la journée pour vérifier qu’il n’y a pas eu de changements de dernière minute. Ma première consultation est avec une fillette de 7 ans en traitement pour une amblyopie. Curieuse et dynamique, elle me bombarde de questions : « Qu’est-ce que j’ai ? Pourquoi je ne vois pas bien ? C’est quoi cette machine ? ». Je lui propose d’échanger nos places pour qu’elle observe mes yeux à travers la lampe à fente, et son excitation est palpable. Elle me confie que son rêve est désormais de devenir ophtalmologue, une révélation qui me touche profondément.
Dans les cas d’amblyopie infantile, j’instaure une thérapie d’occlusion après une évaluation orthoptique, puis je confie le suivi aux orthoptistes. Si l’évolution est satisfaisante après deux mois, j’espace les rendez-vous. Pour les patients coopératifs, je recommande aux parents d’associer des exercices de neurostimulation pendant l’occlusion pour optimiser la récupération visuelle.
Je reçois des patients de tous âges, sauf les nourrissons que je réfère à mon collègue spécialisé en ophtalmologie pédiatrique. Généralement, je vois aussi des patients âgés de plus de 80 ans atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) venant pour des injections intravitréennes et un suivi. Malheureusement, je rencontre un nombre important de cas de rétinopathie diabétique. J’ai récemment traité une jeune femme de 20 ans avec des injections intravitréennes pour un œdème maculaire diabétique et un traitement laser en cours pour une rétinopathie diabétique proliférante.
Chaque patient est unique, et je traite une variété de pathologies, allant de troubles neurologiques récents au glaucome. En deux heures, je vois environ huit patients.
🏥 10 h 30 – Chirurgie
Je passe ensuite au bloc opératoire pour les interventions chirurgicales. Aujourd’hui, mon programme comprend :
- Une chirurgie de la cataracte
- Un cross-linking pour un jeune patient atteint de kératocône
- Un laser diode trans-scléral
- Une exérèse de ptérygion avec greffe de membrane amniotique déshydratée chez un patient glaucomateux monophthalmique
En moyenne, je réalise cinq interventions par jour, sous anesthésie locale. Tout se déroule sans encombre grâce à mon équipe. À la fin du programme, je prends le temps de rassurer les familles et de leur expliquer les consignes post-opératoires à suivre à l’aide de fiches préétablies.
🍽 13 h
Petite pause pour me ressourcer avant la consultation de l’après-midi. Je retrouve un collègue pour échanger sur nos cas cliniques et partager nos avis.
🔬 13 h 30 – Consultation de l’après-midi
L’après-midi, je suis des patients inscrits dans un programme de neurostimulation cérébrale. Aujourd’hui, je reçois un avocat de 27 ans atteint de sclérose en plaques (SEP), qui rapporte une amélioration de sa qualité visuelle et de sa sensibilité aux contrastes après 20 séances de neurostimulation. Je m’intéresse particulièrement à la neurostimulation pour la DMLA, la rétinite pigmentaire et la SEP. Ce patient a suivi des séances de stimulation du cortex visuel primaire avec des patchs de Gabor pendant six mois, ce qui a amélioré sa sensibilité aux contrastes.
Je réalise ensuite des séances laser, avec plusieurs photocoagulations panrétiniennes pour rétinopathie diabétique, photocoagulations de barrage pour myopie forte et iridotomies périphériques pour crises de fermeture de l’angle. Je consacre deux jours par semaine au laser, avec en moyenne 8 à 10 patients par session. Aujourd’hui, je termine par des échographies oculaires et des UBM.
🎓 16 h
Je me rends en salle de conférence pour une session pratique avec les étudiants en orthoptie que je supervise durant leur stage. J’enseigne deux fois par semaine à l’université et accompagne les étudiants de deuxième année dans leurs stages en clinique. Ils sont enthousiastes à l’idée de découvrir et interpréter les examens comme l’OCT et la topographie.
🏠 17 h 30
Fin de la journée, retour à la maison. Pendant le dîner, mon mari et moi regardons des vidéos de nos interventions chirurgicales, nous échangeons des conseils et réalisons du contenu pour les réseaux sociaux. Certains pourraient trouver cela répétitif, mais pour moi, c’est un vrai moteur professionnel.
Nos vidéos simplifient l’information médicale et répondent aux interrogations de nos patients. Par exemple, si un patient craint de perdre la vue après un laser pour rétinopathie diabétique, nous clarifions cette idée reçue. Nous abordons aussi d’autres confusions, comme un patient croyant que le cross-linking pour kératocône améliore immédiatement la vision.
📲 Instagram : eye.doc.sarah & smeyecouple
😴 21 h
Exténuée mais comblée, je vais me coucher avec la satisfaction de savoir que chaque jour, je contribue à préserver la vue de mes patients.